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RENCONTRES |
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Rencontre, Oui, belle rencontre celle que je viens de faire avec Pierre Simonin. Pierre, dit « Pierrot », est un retraité des aciéries de Neuves-Maisons, passionné depuis toujours de trains et de maquettes au point de reproduire chez lui, dans son sous-sol, un fantastique circuit au format HO. De cette foison de modéles réduits émerge la gare de Barisey-la-côte, ici une rotonde qui pourrait-être celle de Nancy avant sa destruction, de multiples passages à niveau, des maisons de garde-barrières, ponts, viaducs, postes d’aiguillage, gares et châteaux d’eau, signaux mécaniques et électriques, une carrière de pierres, jusqu’à l’antique signal manuel de l’entrée de la gare de Mirecourt reproduit à l’identique. Et tout cela fonctionne comme un ballet bien orchestré, presque mieux que le vrai, car ici, aucun voyageur pour se plaindre d’un retard… Et puis vient l’armada des locomotives à vapeur, des diesels, des autorails, wagons de marchandises, de la rame de minerai qui alimentait l’usine de Neuves-maisons au superbe wagon fourgon avec son toit surélevé d’origine allemande, des rames de voitures à voyageurs de première, deuxième et troisième classe qui fleure bon notre enfance en passant par une rame Pulman et combien d'autres. Certaines miniatures sont sur rails, circulant inlassablement sur cette maquette géante, d’autres garées dans maints endroits du circuit tel ce x5500 là bas près de Barisey, ou encore, rangées dans de multiples boites aux noms évocateurs : Orient-Express, train de minerai, X2400, x3800 "Picasso"etc etc. Certaines machines achetées dans le commerce bien entendu, mais ce qui me fascine le plus et c’est ici que je peux dire que Pierre est à sa façon un artiste, toutes celles fabriquées de ses mains (à part les roues ajoute-t-il), d’après des plans et des photos, toutes plus réalistes les unes que les autres. Celle que je trouve la plus belle, mais est-ce nécessaire de l’évoquer tant elle représente l’image des premiers temps du rail, l’époque des belles dames en crinoline et des messieurs en haut de forme, les premières images de cinéma des frères Lumière, de tout un monde en mouvement, prémices de notre société moderne; je veux parler de « La Crampton », cette « Princesse du rail ». Fabuleuse machine, fabuleuse époque et fabuleuse maquette… A côté du circuit, son petit établi digne d’un horloger, les boggies, bissels et bielles, remplaçant roues dentées, remontoirs et balanciers. A droite, des morceaux de tôle de laiton, matière première de toutes ses confections, et puis un minuscule étau, des limes rondes, plates, triangulaires, des petits marteaux servant à cintrer, galber, sur une enclume de taille réduite les pièces maitresses d'une locomotive, un menu fer à-souder, une loupe sur pied et combien d'autres outils liliputiens. Des tiroirs regorgent de pièces en tous genres comme autant de rubis et de diamants chez un joaillier, mais ici ce sont des roues, des tampons, des attelages, des vis et des boulons, enfin tous les accessoires indispensables qui viendront parer chaudrons et châssis pour devenir de belles et robustes 141 R ou 230P en miniature. C’est comme un vaste atelier de chaudronnerie que l’on aurait rapetissé pour un lutin bricoleur. Ce qui surprend est cette absence de TGV et de locomotive électrique, oui, Pierre a fait l’impasse sur ce mode de traction et ce fleuron ferroviaire que représente le TGV. Notre passionné maquettiste est resté, comme je le comprends, à cette vision d’un chemin de fer à taille humaine, d’une France des années 50 que l’on regarderait à la lorgnette, où les petites lignes desservaient encore les endroits les plus isolés de notre territoire, où de belles mécaniques huilées et rutilantes lâchaient dans le ciel de prodigieux nuages de fumée, où de superbes voitures à voyageurs tapissées de noyer et de bronze, évoquent Agatha Christie, Budapest ou Istanbul. Certains exprimeront ironiquement qu’il s’agit d’une France rétrograde, pour ma part elle me convient. Pour terminer, cette visite me ramène 60 ans en arrière, lorsque papa lui aussi de ses mains d’orfèvre fabriquait des maquettes de locomotive, des signaux et des gares, avec les moyens du bord de cette époque, c'est-à-dire avec la tôle des boites de conserve. J’ai le souvenir de cette immense gare de Lunéville reproduite à l’échelle « O » (donc, vous imaginez la taille) fabriquée avec ce matériau. Tous ces chefs-d'oeuvre ont été éparpillés avec le temps, donnés, perdus, c’est tout un pan de mon enfance qui a disparu avec eux, mais qu’importe, ma mémoire est encore vive de tous ces émerveillements. Merci à Pierre de m’avoir ouvert les portes de sa caverne d’Ali Baba du rail, de cette belle rencontre et de m’avoir permis d’évoquer mon père.
Septembre 2012 Cheminot3 |
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